Les femmes sont les premières victimes des violences qui déchirent la République Démocratique du Congo depuis 25 ans. Les violences sexuelles, devenues des armes de guerre, sont régulièrement infligées aux habitantes de l’Est de la RDC. Récompensé par le Prix Nobel de la Paix 2018 pour son action médicale et psychologique aux côtés des femmes victimes, le Docteur Denis Mukwege s’est confié au Podcast Pourparlers réalisé par l’agence 35°Nord. Il détaille son nouveau combat en faveur d’une justice transitionnelle. Selon lui, « réparer ne suffit plus, il faut combattre l’impunité pour empêcher la répétition de ces crimes ». Denis Mukwege appelle notamment à la création d’un Tribunal Pénal International pour la RD Congo.  

A l’hôpital Panzi de Bukavu, dans l’Est de la République Démocratique du Congo, le chirurgien gynécologue Denis Mukwege prend en charge les victimes de viols et d’agression sexuelles, qui demeurent toujours aussi nombreuses. S’il y effectue des procédures de réparation génitale, la reconstruction psychologique et sociale de ces femmes est également au cœur de son combat. Tant que les victimes n’obtiendront pas justice et réparation, leur guérison ne saurait être complète. Le Docteur Mukwege s’insurge contre le climat d’impunité régnant dans son pays, et appelle à un changement d’approche qui passerait par la mise en place de réformes institutionnelles pour garantir la non-répétition de ces atrocités de masse. « Les bourreaux sont connus mais ne sont pas poursuivis. Ils évoluent dans un climat d’impunité totale. Nous avons des généraux qui sont des criminels et qui continuent à commander des troupes. Après l’échec des solutions militaires, nous devons constater avec regret l’échec des solutions politiques. Il est temps de se tourner vers les solutions judiciaires ».

Pour le lauréat du Prix Nobel de la Paix 2018, les mécanismes juridiques tels qu’ils existent aujourd’hui en RD Congo sont en effet inopérants. « Nous parlons de millions de femmes violées. La justice classique n’est pas en mesure d’appréhender des crimes de cette ampleur. Il faut créer un mécanisme spécifique et nous pensons que la justice transitionnelle, qui a fait ses preuves dans plusieurs pays en conflit, peut s’appliquer en RDC ».

La justice transitionnelle désigne l’ensemble des processus mis en œuvre au sein d’une société pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé, afin d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation. Ces outils vont de la création de commissions de vérité à celle de cours pénales internationales. C’est d’ailleurs en faveur de ce dernier mécanisme que Denis Mukwege plaide : « Neuf pays ont livré des combats en RD Congo pour et ont commis des crimes qui ne peuvent rester impunis. Il faudrait absolument créer un Tribunal Pénal International pour le Congo qui pourrait permettre de juger les commanditaires ».

Afin d’être pleinement efficaces, ces mécanismes devront octroyer aux femmes victimes des réparations individuelles et collectives, afin qu’elles ressentent que leurs droits sont respectés, que les crimes sont reconnus et pour qu’une telle situation ne se reproduise plus. « Ces mécanismes sont importants pour permettre que l’on reconstruise une société réconciliée avec elle-même et avec ses voisins. Il faut un travail de vérité et de commémoration pour construire une société apaisée », conclut le Prix Nobel de la Paix.

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